Cadre réglementaire des avoirs étrangers en Tunisie

Cadre réglementaire des avoirs étrangers en Tunisie

Depuis l’adoption de sa législation sur les changes en 1976, la Tunisie a cherché à adapter son cadre réglementaire pour encourager les investissements étrangers tout en maintenant un contrôle sur les mouvements de capitaux. Ces efforts se sont concrétisés à travers une série de décrets successifs, notamment en 2005, 2007 et 2017, visant à assouplir les restrictions et à simplifier les procédures liées à l’acquisition d’avoirs étrangers. Dans cet article, nous examinerons de près le cadre réglementaire entourant les avoirs étrangers en Tunisie, en mettant en lumière les principaux aspects de cette réglementation.

1. Définition des avoirs étrangers en Tunisie

La définition des avoirs étrangers en Tunisie est ancrée dans la loi n°76-18 du 21 janvier 1976 qui codifie la législation des changes et du commerce extérieur régissant les relations entre la Tunisie et les pays étrangers. Selon l’article 5-17 de cette loi, les avoirs étrangers en Tunisie sont ”Les avoirs qui appartiennent directement ou par personnes interposées soit aux personnes physiques résidant habituellement à l’étranger, soit aux établissements à l’étranger, de personnes morales tunisiennes ou étrangères et qui consistent en :
a) biens meubles ou immeubles corporels ou incorporels situés en Tunisie, y compris tous titres négociables représentatifs de droits incorporels ;
b) tous autres biens, mêmes situés à l’étranger, permettant d’exercer des droits en Tunisie.
Cette définition constitue le socle essentiel pour appréhender la réglementation des changes applicable aux avoirs étrangers en Tunisie.

2. Réglementation des changes applicable aux avoirs étrangers en Tunisie : 

La réglementation des changes relative aux avoirs étrangers en Tunisie est encadrée par des décrets pris sur proposition du ministre des Finances après avis de la Banque Centrale de Tunisie.  Actuellement, le régime de ces avoirs est régi par les articles 20 et 21 du décret n° 77-608 du 27 juillet 1977, modifié par plusieurs décrets ultérieurs (décret N° 97-1738 du 03/09/1997, décret n°2005-3142 du 06/12/2005,  décret n°2007-394 du 26/02/2007 et décret n°2017-393 du 28/03/2017).
Ces textes réglementaires établissent les opérations relatives à la constitution et à la disposition des avoirs étrangers en Tunisie qui requièrent une autorisation préalable de la Banque Centrale de Tunisie et celles qui en sont exceptionnellement dispensées.
Parmi ces opérations figurent celles portant sur des biens immobiliers, des fonds de commerce, des participations dans des sociétés, et des acquisitions de titres d’emprunt émis par l’État ou des sociétés résidentes.

a. Opérations portant sur des biens ou droits immobilier ou sur des fonds de commerce.

En principe, toute acquisition, autrement que par dévolution héréditaire, ou cession de biens immeubles, de droits immobiliers ou de fonds de commerce situés en Tunisie, réalisée par une personne physique ou morale non-résidente de nationalité étrangère, doit être soumise à une autorisation préalable de la Banque Centrale de Tunisie (Article 20.1 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977 portant refonte et codification de la législation des changes et du commerce extérieur régissant les relations entre la Tunisie et les pays étrangers).
Cependant, certaines opérations sont dispensées de cette autorisation, telles que l’acquisition, autrement que par dévolution héréditaire, au moyen d’une importation de devises, ou la cession des terrains et des locaux bâtis dans les zones industrielles, et des terrains dans les zones touristiques pour la réalisation de projets économiques et ce, par une personne physique ou morale non-résidente de nationalité étrangère (Article 21.1 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).

b. Opérations portant sur des participations dans des sociétés établies en Tunisie

En principe, la prise de participation, que ce soit lors de la constitution initiale ou lors d’une augmentation de capital, dans des sociétés établies en Tunisie, est soumise à l’autorisation de la BCT (Article 20.2 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).
Toutefois, cette exigence est levée dans les situations suivantes :

  • La participation par une personne physique ou morale de nationalité étrangère dans le cadre des codes les régissant, tel par exemple, la loi de l’investissement (Article 20.2 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).
  • La souscription par une personne physique ou morale de nationalité étrangère lors d’une augmentation de capital, dans les limites des droits préférentiels de souscription ou en dehors de ces limites, en utilisant des devises importées, de valeurs mobilières tunisiennes ou de parts sociales de sociétés établies en Tunisie conformément aux lois les régissant (Article 21.3 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).
  • La souscription par des non-résidents à l’augmentation de capital de sociétés établies en Tunisie, conformément à la législation les régissant, par conversion de leurs avances en compte courant associés contractées en devises selon la réglementation des changes en vigueur. (Article 21.8 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977). Les conditions de cette conversion sont définies par circulaire BCT n°2018-14 du 26 décembre 2018 qui exige notamment pour la réalisation de cette opération que l’ensemble des conditions suivantes soient remplies :
  • L’avance doit avoir été contractée conformément à la règlementation des changes en vigueur, doit avoir été financée en devises, justifiée par une fiche d’investissement et doit être certaine, liquide et exigible,
  •   La conversion doit porter exclusivement sur le montant en principal de l’avance,
  •  La participation à l’augmentation du capital par conversion d’avances en compte courant associé doit être réalisée conformément à la législation régissant le secteur d’activité de la société.
c. Opérations portant sur des acquisitions de participations dans des sociétés établies en Tunisie

En principe, l’acquisition de valeurs mobilières tunisiennes et de parts sociales de sociétés établies en Tunisie est soumise à autorisation (Article 20.4 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977) à l’exception des cas suivants :

  • L’acquisition, par dévolution héréditaire ou par voie d’attribution gratuite au prorata des droits possédés dans la société, de valeurs mobilières tunisiennes ou de parts sociales de sociétés établies en Tunisie par une personne physique ou morale non-résidente de nationalité étrangère (Article 21.2 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).
  • L’acquisition de valeurs mobilières ou de parts sociales de sociétés non-résidentes établies en Tunisie par une personne physique ou morale de nationalité étrangère auprès d’une personne physique ou morale de nationalité étrangère (Article 21.4 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).
  • L’acquisition au moyen d’une importation de devises ou la cession, lorsqu’elle est effectuée par une personne physique ou morale non-résidente de nationalité étrangère, de valeurs mobilières tunisiennes conférant un droit de vote ou de parts sociales de sociétés établies en Tunisies dans le cadre des codes les régissant, ainsi que de valeurs mobilières tunisiennes ne conférant pas de droit de vote, à l’exception des titres d’emprunt émis par l’État ou des sociétés résidentes en Tunisie (Article 21.5 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).
  • L’acquisition, moyennant règlement du prix correspondant à l’étranger, d’actions ou de parts sociales de sociétés résidentes exerçant une activité en Tunisie conformément à la législation les régissant, par une personne physique ou morale non-résidente de nationalité étrangère auprès d’une personne physique ou morale non-résidente de nationalité étrangère (Article 21.7 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).
d. Opérations portant sur les titres d’emprunt émis par l’Etat en Tunisie ou des sociétés résidentes en Tunisie

En principe, la souscription aux titres d’emprunts émis par l’Etat en Tunisie ou des sociétés résidentes en Tunisie est soumise à autorisation en vertu de l’article 20.3 du décret n° 77-608 du 27 juillet 1977.
Cependant, la réglementation en vigueur dispense de cette condition le cas de la souscription et l’acquisition par une personne physique ou morale non résidente de nationalité étrangère au moyen d’une importation de devises de bons du trésor assimilables et des obligations émises par des sociétés résidentes cotées en bourse ou ayant obtenu une notation par une agence de notation, et ce, dans des limites des taux fixés par le gouverneur de la banque centrale de Tunisie après avis du ministre des finances.
Les détenteurs de ces titres d’emprunt bénéficient de la garantie de transfert de leurs fonds conformément à la législation en vigueur (Article 21.6 du décret N° 77-608 du 27 juillet 1977).

Dhouha Oueslati

Avocate

 

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